Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
25 novembre 2009 3 25 /11 /novembre /2009 14:38

f-87c-4ac0cac2aad0d.jpg  
Doux conte d’une femme drôle et digne

Au théâtre de la Manufacture, le surprenant Jean-Claude Dreyfus nous emmène avec lui « Le Mardi à Monoprix » à la rencontre d’un monde plein d’amour,d’humanité et de violente douceur.

 

La contrebasse pleure, puis apparaissent : un chignon où aucun cheveu ne se rebelle, une robe un peu trop rouge, des ongles un peu trop longs et des lèvres un peu trop colorées. Un éclat de rire, puis deux : de ceux qu’on étouffe, qu’on cache, ou qu’on fait résonner pour faire sourire le voisin. Cette femme sur la scène, c’est Marie-Pierre. Elle est gentille Marie-Pierre : tous les mardis elle repasse, lave le linge, les chemises, de son père, aère, fait le ménage. Son père est grognon, méchant et méprisant. « Tout de même » lui crache-t-il toujours au visage. Ces mots qu’elle entend depuis toute petite. Cette phrase qui reste en suspend.... Mais Marie-Pierre  connait la suite…Tout de même ! Tu es fière de toi ? Tout de même ! Tu te trouves beau comme ça ? Tout de même ! Jean-Pierre !...

Car avant Marie-Pierre,  il y avait Jean-Pierre. Mais Jean-Pierre est mort maintenant ; il s’appelle Marie-Pierre, porte des talons hauts, et son père ne l’aime plus. Pourtant, tous les mardis, ils vont à Monoprix ensemble. Le père marche loin derrière Marie-Pierre. Il a honte. Elle est belle pourtant, Marie Pierre, tout le monde la regarde. Le vigil, la caissière, les clients. « Quelle honte ! » disent-ils. Elle n’entend pas. « Infâme… » murmurent-ils. Elle comprend : « une femme »…
Les yeux de Marie-Pierre ne voient pas comme ceux des autres. Quand elle se regarde elle voit une  femme ; elle a toujours vu une femme. Mais les yeux des « autres » ne peuvent le voir. A part peut être ceux d’une amie du père, croisée sur le chemin du retour de Monoprix…

Comment remédier à la douleur provoquée par cette incompréhension générale ? Comment être acceptée par ce père qui attend le retour de Jean-Pierre et dédaigne Marie-Pierre ? Comme vivre en assumant ce que l’on est sans avoir peur de nos parents, sans être sous leur emprise ? Est-il seulement possible de vivre, accablé par le poids des mots qui blessent ?
Jean-Claude Dreyfus nous donne à partager une émotion pure et violente. Il nous regarde, semble nous dire : « Vous vous attendiez à une comédie ? Eh bien je vais vous faire pleurer, mais sûrement pas de rire… »
Jean-Claude Dreyfus est splendide dans ce rôle. Il est lui ou elle. Il est le père ou la fille. Il est le seul acteur sur scène mais sa voix, passe d’un ton grave et réprobateur du père à celui, effrayé, timide et plaintif, de Marie-Pierre, et donne l’impression d’un dialogue. Parfois, ce dialogue a lieu entre Marie-Pierre telle qu’elle voudrait être et Marie-Pierre telle qu’elle est. Bouleversant. Chaque mot du texte a l’humour tendre d’Emmanuel Darley et déborde d’émotions grâce au talent de Jean-Claude Dreyfus, mais aussi grâce à la longue et belle complainte de la contrebasse d’où Philippe Thibault tire un sanglot à chaque coup d’archet.

Papa et Maman vont-ils comprendre que ce que je suis n’est pas ce qu’ils voudraient que je sois ? Papa et Maman vont-ils réussir à me laisser voler de mes propres ailes? Papa et Maman vont-ils parvenir à m’aimer tel(le) quel ? Un thème excessivement actuel pour un acteur merveilleux et rayonnant assurant une salle comble et émue à la Manufacture, comme sans doute ailleurs en France...

                                                                                                                                            Charlotte KRAUSS 1ère L/ES 1

Partager cet article
Repost0

commentaires