Charlie et Nemo de Bernard Allombert, au théâtre de la Manufacture

Insondable horreur enfantine

Comme beaucoup de contes, Charlie et Nemo, de Bernard Allombert, baigne dans le sang et choque les jeunes imaginations. Mais ce n’est pas un conte : c’est la cruelle réalité, qui nous rejoint à la Manufacture.

Deux silhouettes, manipulatrices, qui créent une savane africaine miniature. Et puis des bruits, des voix : assourdissantes, elles angoissent, oppressent. Le volume augmente, les voix deviennent de plus en plus nombreuses.  D’un coup, le calme, le silence. La tension baisse. Deux ombres apparaissent sur le mur blanc : ce sont des enfants : Charlie et Nemo. A l’âge où certains jouent à la guerre, eux ils la font, une kalach à main. Ils négocient avant de tirer sur quelqu’un. Qui ? Une des mères. C’est leur soudard de chef qui leur a dit qu’il faut tuer sa propre mère pour devenir un vrai soldat, invincible. Ce sont des enfants, alors ils le croient.

En réalité, aucun d’eux n’a tué sa mère. Pas parce qu’ils n’en avaient pas le courage, mais parce qu’elles n’étaient pas là. Ils décident donc de fuir le contrôle de ce chef et partir à la recherche de cette mère. Pour voir s’ils auront le courage de la tuer, ou si son parfum, ses cheveux, son regard, les feront redevenir des enfants…

Les voix fluettes des enfants, le bruit des kalach, jamais l’ambiance sonore ne se décontracte : la tension est palpable. La douceur des voix enfantines dérange et interpelle lorsque l’on entend la dureté de leurs paroles.

Pascale Pinamonti et Catherine Hugot, manipulatrices d’images et d’émotions, apportent de la poésie à ce thème si cru et violent. Elles dévoilent le regard suppliant, implorant de ces enfants-soldats. Avec leurs caméras, elles apportent du rêve tout en étant durement réalistes. L’histoire n’en est que plus transcendante.

La mise en scène de François Rodinson et le talent des marionnettistes donnent un visage et une voix à ces enfants-soldats qui nous semblaient si loin et maintenant tellement proches.

 Le spectateur ne peut qu’être bouleversé par cette superbe création et remettre en question la société occidentale.
Les mots de Charlie et Nemo résonneront longtemps dans nos têtes…